Le rôle des associations professionnelles de DRH dans la création et la diffusion de pratiques professionnelles.

Thèse de Razzane Sabbagh

Razane Sabbagh a audité l’association des Drh des grandes collectivités pour son observation de terrain pendant plusieurs mois.

Les apports sur le plan théorique : l’introduction de la notion de pratiques professionnelles absurdes ; un pont original entre méthodes de marketing et un thème de gestion des ressources humaines ; et un travail volontairement vulgarisé et accessible à tous.
Les apports sur le plan pratique : des recommandations concrètes et applicables aux associations, issues directement de l’observation du terrain.

1. Contexte et enjeu

La fonction RH évolue dans un environnement à forte pression d’adaptation : instantanéité, complexité réglementaire, exigences de performance et d’opérationnalité, avec une culture de l’échec pernicieuse.

Les associations professionnelles de DRH :

  • Rompent l’isolement des professionnels dans leur posture et dans leur capacité décisionnelle ;
  • Apportent un vecteur identitaire comme catalyseur de confiance à une profession fragilisée dans sa légitimité
  • Créent un sentiment d’appartenance ;
  • Favorisent le partage et la mutualisation des bonnes pratiques ;
  • Peuvent influencer la législation via des actions de lobbying.

Problématique centrale : Comment ces associations structurent, diffusent et légitiment les pratiques RH ? Quels mécanismes favorisent leur adoption ?

2. Terrain et méthodologie

  • Terrain principal : l’association des DRH des grandes collectivités territoriales (ADRHGCT) - Durée d’immersion : 2 ans et demi.
  • Autres associations de DRH : l’association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH), l’association des directeurs des ressources humaines des établissements publics d’enseignement supérieur (Sup’DRH) et l’association pour le développement des ressources humaines dans les établissements sanitaires et sociaux (ADRHESS).

Méthodes qualitatives et quantitatives mobilisées et objectifs :

  • Ethnographie & ethnographie virtuelle : comprendre l’écosystème global de l’ADRHGCT ;
  • Netnographie (étude des communautés virtuelles à travers leurs échanges en ligne : 2 108 courriels analysés) ;
  • Questionnaire (367 adhérents, taux de réponse : 31 %) : obtenir des réponses et confirmer les tendances observées ;
  • Entretiens semi-directifs (2 vagues) : approfondir notre réflexion sur les enjeux de cette thèse ;
  • Analyse textuelle avec l’outil Iramuteq et analyses statistiques : confirmer les tendances relevées.

3. Chiffres clés

Netnographie :
Sur la base de 755 sollicitations par courriel ayant reçu 1 353 réponses sur la liste de diffusion de l’ADRHGCT entre avril 2021 et septembre 2023 :

  • 11 adhérents initient à eux seuls 63% des courriels au total ;
  • 53% des adhérents contribuent activement à la liste de diffusion ;
  • 24% des réponses apportées ont été faites par des membres du bureau ;
  • 20% des courriels échangés ont été restreints aux membres du bureau ;

Questionnaire :

  • Echanges de pratiques entre pairs : premier motif d’adhésion pour 27% des adhérents ;
  • 80 % des adhérents ont déjà été inspirés par une pratique professionnelle échangée ;
  • 47% des members ont repris et adapté à leur organisation des documents partagés par les adhérents (référentiels, charte, règlement) ;
  • 57 % des adhérents ont déjà lancé un benchmark ;
  • 32 % des adhérents vont évoquer un point de blocage lié à leur function à leur N+1
    19% vont solliciter l’association.

4. Enseignements majeurs

  • Les communautés de pratique (CoP) et les communautés virtuelles de pratique (VCoP) favorisent une dynamique d’apprentissage collective, entretenant un cycle permettant de développer les pratiques au bénéfice de l’association ;
  • Sélection et diffusion des pratiques : filtrage informel par le bureau de l’association des pratiques suscitant de nombreux échanges, par profils ("super-contributeurs" et "membres actifs") ; évènements et enquêtes pour récolter les pratiques du terrain groupes d’échanges publics sur Whatsapp ;
  • Déterminants d’une pratique : la rendre pérenne et donc légitime aux yeux des institutions, utile et parlante pour continuer à stimuler le processus d’apprentissage continu, réutilisable et stockable, qualitative, attrayante pour ses membres et la remplir de sens ;
  • Influence législative : des contributions issues du terrain inspirent directement des
    réformes RH ;
  • Engagement différencié : les DRH expérimentés répondent davantage aux sollicitations institutionnelles.

5. Apports pour les DRH :

  • Gagner du temps grâce à des solutions déjà éprouvées par les pairs
  • Sécuriser les décisions via des pratiques validées collectivement
  • Faire évoluer la fonction RH en participant aux réflexions et au lobbying
  • Développer un réseau pour capter innovations et bonnes pratiques.

6. Conclusion

Les associations professionnelles de DRH ne sont pas de simples réseaux : elles peuvent être assimilées à des communautés de pratique et des communautés de pratique virtuelles.

S’y engager permet :

  • De valoriser son expertise ;
  • De renforcer ses compétences ;
  • De contribuer à la reconnaissance et à l’influence stratégique de la fonction RH.

Réponses aux questions de recherche et sujets d’ouverture :

  • Les pratiques ne sont pas structurées ;
  • Il peut exister un effet de concurrence entre adhérents ;
  • Importance de l’animation de cette communauté ;
  • Corporatisme de la fonction RH et rôle joué par les associations ;
  • Enjeux de légitimité et de visibilité de la fonction RH dans les organisations.