Etude sur les leviers de la rémunération

Rapport d’étude de l’INET du 5 juillet 2019

“Gagner sa vie, cela ne fait point peine, et même fait plaisir. Ce qui irrite, c’est l’idée que ce salaire bien gagné ne vienne pas par le travail seul, comme un lièvre pris à la chasse, mais dépende encore de la volonté et du jugement de quelqu’un.”


Rapport rédigé par :
Clément Aumeunier
Céline Bretel
Marie-Anaïs Renault Roux
Paul Sarton du Jonchay

Elèves administrateurs territoriaux


Sujet sensible que la rémunération comme l’illustre cette citation du philosophe Alain dans Esquisses de l’homme (1927), car elle touche à l’intime. A plus forte raison lorsqu’il s’agit du salaire des agents publics, car en plus des significations et des représentations portées par le salarié et l’employeur, s’ajoutent celles du citoyen.
Pour celui qui le perçoit, il est tout à la fois un moyen de subsistance, le marqueur d’un statut social, une distinction permettant de se situer dans la hiérarchie professionnelle, une reconnaissance de l’employeur - et par extension, de la société dans le cas de la fonction publique. S’agissant de la reconnaissance, elle peut s’appliquer à diverses composantes du travail telles que la pénibilité, la technicité, le niveau de responsabilités ou encore le niveau d’étude requis.

Pour l’employeur public, elle tend parfois à n’être considérée que sous le seul angle gestionnaire. S’interroger sur la définition et la mise en œuvre de politiques salariales dans les collectivités territoriales n’est en rien une évidence. En première analyse, on peut considérer que la rémunération dans la fonction publique n’est considérée comme un sujet stratégique que dans la mesure où elle conditionne la masse salariale. Sujet stratégique sur lequel la collectivité n’a, en outre, qu’une maitrise partielle puisque le traitement et son évolution sont déterminés au niveau national. La supposée générosité de l’employeur public au regard des rémunérations dans le privé est d’ailleurs souvent un sujet de controverses politiques au niveau national.

Une analyse plus approfondie montre que, fort de la libre administration, chaque collectivité a su mobiliser au gré de ses besoins des outils de la rémunération pour attirer, encourager et fidéliser. Néanmoins, mis à part certaines collectivités qui ont amalgamé la rémunération au grade par volontarisme politique contre la logique d’individualisation, les différentes composantes de la rémunération ont rarement été mobilisées dans une démarche globale et cohérente. Désormais, le ralentissement de la progression du traitement indiciaire et la part prise par le régime indemnitaire conduisent les collectivités territoriales à s’emparer de la rémunération comme un levier de stratégie de ressource humaine à part entière et à l’intégrer dans une politique cohérente avec tous les autres éléments affectant le niveau de vie des agents (participation à la restauration, action sociale, aides à la prévoyance, à la complémentaire santé, etc.).

A ce titre, la mise en œuvre du RIFSEEP a été pour beaucoup de collectivités l’occasion de s’interroger sur les attendus de la politique salariale et dans cette perspective, sur la pertinence du système de rémunération dans leur administration. Enfin, la rémunération de l’agent public représente pour le citoyen un coût dont il attend une contrepartie à la hauteur de ses attentes, mais aussi – et bien que cet aspect soit moins perçu – une garantie que le travail administratif sera conduit en toute indépendance et sans interférence politique.

Cette étude vise tout d’abord à mettre en évidence la réalité des politiques salariales des grandes collectivités, qu’elles soient une juxtaposition de dispositions empiriques ou une mobilisation globale et cohérente d’un ou plusieurs outils affectant la situation financière des agents. Cette réalité sera notamment présentée par le biais des principaux objectifs communément partagés par les directions des ressources humaines : l’équité et la parité, l’attractivité et la mobilité, ainsi que la motivation des agents. L’étude présentée ici vise en second lieu à faire émerger des préconisations - de l’évolution réglementaire à la bonne pratique.

Pour ce faire, notre méthodologie s’est appuyée sur trois piliers : une étude documentaire, un questionnaire en ligne envoyé aux directions des ressources humaines (DRH) des grandes collectivités et une série d’entretiens qualitatifs des DRH. Le questionnaire en ligne a été complété par 27 communes, intercommunalités (EPCI) et départements tandis que la vague d’entretiens qualitatifs a permis d’interroger 20 collectivités de toutes strates, dont 12 avaient également répondu au questionnaire.

Pour tracer les contours de la politique salariale dans les collectivités, cette étude décrit en premier lieu le cadre théorique et réglementaire dans lequel évolue la rémunération (I). Nous nous intéressons ensuite à la façon dont l’équité, dans toutes ses acceptions parfois contradictoires, est recherchée à travers les différents éléments de rémunération (II). Certains choix motivés par le souci d’équité peuvent d’ailleurs rentrer en contradiction avec la volonté de rémunérer le mérite et la performance d’une part et la nécessaire attractivité de la collectivité d’autre part.

Ces deux axes de politique salariale sont l’objet de nos deux dernières parties. S’agissant de la rémunération à la performance, nous avons notamment cherché à déterminer si les pratiques des collectivités reflétaient l’évolution des discours à ce sujet (III). Notre dernière partie s’intéresse donc à l’exigence sans cesse renouvelée d’attractivité et de fidélisation des agents (IV). Elle est l’occasion de mettre en lumière la façon dont le spectre des éléments se rapportant à la rémunération est mobilisé au service d’une stratégie RH.

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