Etude sur le recrutement dans les collecivités territoriales

2018

Dans son étude annuelle concernant l’emploi dans la fonction publique, l’INSEE montre qu’en 2016, la fonction publique territoriale est la seule des trois fonctions publiques à voir ses effectifs diminuer avec 171000 entrants contre 183000 sortants. Pourtant, le champ de ses compétences ne s’est pas rétracté, au contraire, il a plutôt tendance à s’élargir. Parallèlement, la même étude montre que le nombre d’agents contractuels augmente dans les collectivités territoriales avec, la même année, 1 469 000 agents titulaires et 356000 contractuels, soit une hausse de 0,2%.

Ces chiffres témoignent d’une évolution, voire d’une transformation des enjeux de recrutement auxquels les collectivités doivent faire face : d’une part les collectivités recrutent toujours et recherchent des profils avec des compétences nouvelles, et d’autre part la contrainte budgétaire qui s’impose à elles, soulève avec force la question de l’efficience des recrutements. Elle fait également apparaître le fait que, bien souvent liées, soit par la réglementation, soit par la contrainte budgétaire, soit par les règles internes de la structure, soit par les évolutions actuelles des mouvements de la main d’œuvre, les collectivités peuvent éprouver des difficultés effectuer de tels recrutements.

La problématique du recrutement dans la fonction publique territoriale ne peut donc se résumer à un volume de nouveaux entrants ; elle se trouve au croisement de multiples enjeux.

Entendu comme l’embauche d’un agent sur un poste précis, le recrutement est une réponse à un besoin identifié par la collectivité mais jusqu’alors non pourvu. Dans une vision à plus long terme, le recrutement consiste en l’intégration d’un agent qui a vocation à entrer et à faire carrière dans la fonction publique, et à occuper des emplois de plus en plus variés. Le recrutement a des coûts (financiers, de gestion, de transition) et donc une incidence mécanique sur la masse salariale et sur les ressources financières de la structure. Alors même que les capacités de création de poste budgétaire décroissent continuellement dans les collectivités, ces dernières sont appelées à développer des outils de gestion et à densifier leurs circuits de décision afin de mieux maîtriser ces recrutements.

La problématique du recrutement dans la fonction publique territoriale est effectivement à replacer dans un contexte où les contraintes budgétaires pesant sur les collectivités se poursuivent, voire s’accentuent aujourd’hui, notamment sous la forme de la contractualisation avec l’État. Ces contrats concernent essentiellement les dépenses de fonctionnement et renforcent la nécessité pour les collectivités de maîtriser leurs dépenses de personnels et l’urgence de se doter d’outils permettant d’optimiser chaque recrutement effectué.

Le contexte dans lequel s’inscrit cette étude se caractérise également par la critique latente mais persistante d’une fonction publique peu adaptée aux évolutions de la société, qui prend parfois la forme d’un « fonctionnaire bashing » ou de stéréotypes supposant un immobilisme inhérent à la fonction publique. Ces éléments dont il faut prendre acte semblent peu propice à rendre la fonction publique territoriale attractive, éloignant ainsi un vivier de candidats potentiels aux postes proposés par les collectivités.

La question du recrutement dans la fonction publique territoriale prend alors une importance croissante et se structure autour de plusieurs enjeux, au premier rang desquels l’enjeu d’efficience du recrutement. Recruter, c’est engager l’avenir, c’est investir, c’est, dans ce contexte, attendre une forme de « retour sur investissement » lié à la performance de l’agent recruté. Les collectivités sont parfois dans une position d’attendre une certaine forme de « rentabilité » du recrutement, ce qui va de pair avec le déploiement de dispositifs de recrutement qui s’étoffent (multiples validations de l’ouverture d’un poste, recours à des cabinets, réflexion sur les supports de publication et leurs coûts etc.).

Ensuite, le recrutement est étroitement lié à un enjeu qualitatif de recherche du bon profil puisque les collectivités doivent désormais répondre à des besoins variés en termes d’ingénierie territoriale et de compétences. En effet, leur champ d’intervention dépasse aujourd’hui ce qui constitue le cœur du service public et s’étend à de nouveaux domaines que les collectivités territoriales sont amenées à gérer directement ou indirectement (développement informatique, des énergies, relations extérieures etc.). Ces nouvelles compétences nécessitent des profils adaptés, alors que l’exigence sur le service rendu dans ces domaines augmente simultanément de la part de l’usager. Souvent peu attractifs, pour des raisons variées, ces métiers sont dits « en tension » car les collectivités peuvent avoir des difficultés à recruter sur ces postes. Ils recouvrent parfois des métiers issus du secteur privé, ce qui implique pour les collectivités d’aller chercher la compétence, là où elle se trouve, grâce à des modalités de recrutement innovantes ou, a minima, à travers une réflexion sur des éléments susceptibles de rendre attractive l’intégration dans la fonction publique territoriale.

A travers les formes et les modalités possibles de recrutement, ce constat sur les métiers en tension met en évidence les enjeux juridiques et réglementaires qui s’y rattachent. La règlementation du statut de la fonction publique territoriale qui pose les règles en matière de recrutement est essentiellement contenue dans la loi du 26 janvier 1984. Elle affirme la prévalence des agents titulaires dans la fonction publique territoriale et encadre le recours aux contractuels, l’autorisant exclusivement dans des cas bien particuliers. Souvent perçue comme relativement rigide, cette réglementation peut sembler en inadéquation avec les enjeux d’adaptation, de flexibilité, de réactivité auxquels doivent faire face les collectivités. Cette question s’inscrit dans une réflexion déjà engagée au niveau gouvernemental dans le cadre du Comité Action Publique 2022 (CAP 2022) et qui pointe à nouveau le débat sur une opposition supposée entre l’accès au statut par le concours d’un côté, et l’entrée potentiellement éphémère dans la fonction publique par voie contractuelle. Il s’agira donc d’objectiver les termes de ce débat récurrent qui connaît un regain dans la fonction publique territoriale.

Enfin, le recrutement est un thème qui doit se penser à l’aune de la montée en puissance de thématiques tendant à prendre une place stratégique dans les réflexions des DRH. C’est le cas par exemple de la qualité de vie au travail et de la lutte contre les risques psycho-sociaux ou encore de la lutte contre les discriminations l’embauche, récemment mises en lumière par le rapport de Yannick L’HORTY (2016). Une attention sera donc portée à la dimension managériale
6du recrutement, ainsi qu’à la question des moyens à la disposition des collectivités pour favoriser une certaine diversité l’embauche, en vue de constituer une fonction publique plus l’image de la société qu’elle sert.

Si les enjeux liés au recrutement s’intègrent bien dans des problématiques plus larges, la question des moyens à donner aux collectivités pour leur permettre de répondre à leurs besoins de recrutement mérite d’être posée.

Un champ d’étude très vaste mais des objectifs bien définis

L’association des directeurs des ressources humaines des grandes collectivités territoriales a confié à quatre élèves administrateurs territoriaux une étude visant à :

  • Proposer un diagnostic partagé par un grand nombre d’acteurs des ressources humaines locales de l’état du recrutement dans la fonction publique territoriale
  • Identifier les pistes d’amélioration, principalement sur les thèmes du concours et du recrutement contractuel ;
  • Partager les bonnes pratiques identifiées.

Si elle intègre des réflexions de travaux académiques, cette étude n’a pas vocation à faire état d’une recherche scientifique dans le domaine du recrutement. Sa visée est tout d’abord opérationnelle. Il s’agit de proposer des axes de lecture, des réflexions, voire des modalités d’action pouvant être mises en œuvre, de manière à apporter des pistes de réflexion dans un débat complexe.

Une étude s’appuyant principalement sur des échanges et un travail documentaire.

La méthodologie retenue vise à permettre d’appréhender l’ampleur du sujet tout en lui donnant une dimension pratique. En effet, la problématique du recrutement dans la fonction publique territoriale est multiple et concerne tout à la fois les processus internes de recrutement, l’organisation des recruteurs, les moyens dédiés au recrutement, les compétences et les profils recherchés par les recruteurs, l’attractivité de la fonction publique territoriale etc. Afin de répondre au mieux à ces problématiques, trois outils ont principalement été mobilisés :

  • Un fonds documentaire permettant de mieux s’approprier le sujet et de mobiliser des clés d’analyse classiques ;
  • L’analyse des réponses d’un questionnaire mis en ligne et ouvert à tous les adhérents de l’association ;
  • 24 entretiens individuels : ils ont été réalisés auprès d’interlocuteurs issus de collectivités (DRH ou cadres dans les ressources humaines territoriales), ainsi qu’avec des représentants de centres de gestion et des acteurs variés de l’information et de l’orientation.

Ces entretiens et questionnaires ne peuvent être interprétés comme représentant l’ensemble des collectivités ou des sensibilités sur les sujets évoqués. Ils peuvent notamment induire un biais de lecture au profit des problématiques des grandes collectivités