Y aura-t-il encore des DRH dans 10 ans ?

Le/La DRH du futur

Franck BRILLET
Professeur à Paris 2 Panthéon - Assas
Maison des sciences de gestion - CIFFOP
Sorbonne Universités
Rédacteur en chef de la Revue @grh

Imaginer le/la DRH du futur ne peut être déconnecté de la fonction et de ce qu’elle représente.

Pour penser ce métier il faut connaître son histoire. On peut identifier 3 grandes périodes. Dans un premier temps la GRH du passé à savoir la gestion du personnel, les conceptions sous jacentes de l’homme étaient utilitaristes et rationalistes. Cette GRH, orientée rendement et tâches était caractérisée par le symbole carotte/bâton. La GRH du présent est marquée par 2 périodes : une conception de l’homme considérée comme humaniste avec des gestionnaires de développement des ressources. Plus récemment on parle de gestion et de développement des richesses humaines où la conception est plus sociétale. Dernière phase, le DRH et la GRH du futur qu’en sera-t-il ? Le professeur Henry MINTZBERG estime qu’il faut parler de gestion et de développement des êtres humains et par conséquent adopter une conception plus philosophique de la fonction. Y aura-t-il un DRH virtuel compte-tenu des problématiques liées de digitalisation ? Ou sera-t-il une fée du bonheur ?

Stop au DRH Bashing

Présentation d’un clip qui pastiche le DRH : “D comme déconnecté, R comme brasse de l’air, H comme hache de guerre”.

Les idées fortes au travers de ces stéréotypes montrent que la perception de la fonction et de celui qui l’incarne n’est pas idéale. Est-ce une crise de légitimité ? Le DRH serait en recherche de sens ? Y a-t-il une remise en question d’une certaine vision des RH ? Franck BRILLET estime nécessaire, comme nombre de ses collègues, de dire “stop au DRH bashing”.

La redéfinition du périmètre de la DRH

La vision traditionnelle est dépassée. Le découpage des activités qui permet de les décrire et qui facilite l’audit social est empreint d’instrumentalité. Il est centré sur l’opérationnel, sur le court terme, sur la technicité et non sur la contribution. Il incite à segmenter les réponses dans un contexte empreint de forte complexité. Les managers sont déresponsabilisés sur les actes clés RH et s’en remettent aux professionnels. Ce modèle ne donne pas non plus de clés pour définir les priorités et n’identifie, ni les nouvelles frontières, ni les nouveaux défis de la GRH.

Le/la DRH de demain se doit d’identifier les défis pour mieux les relever et poser la frontière de son action

Son portefeuille s’étoffera et lui permettra d’asseoir au mieux sa légitimité dans ce contexte de transformation organisationnelle fort. Les questionnements sur les talents, le management inter générationnel, le big data, la bienveillance, la digitalisation, la RSE ou l’entreprise libérée sont autant de futurs défis et de nouvelles frontières.

Le/la DRH doit s’approcher du “praticien réflexif” qui se pose des questions sur ses propres pratiques.

Franck BRILLET propose quelques clés de lecture :

  • Le DRH aide-t-il l’organisation et à quoi ? A quoi participe-t-il ? Aux processus administratifs ? A la mise en place de la gestion du changement ? A la définition du contrat d’établissement ? Du business plan ?
  • Le DRH fait en sorte que quoi ? Quelle est son utilité ?
  • Comment mesurer l’efficacité du DRH de demain ? Quels indicateurs sont considérés comme pertinents ?
  • Est-il considéré comme un acteur du changement ? Un élément clé stratégique ?
  • Enfin il consacre son temps à quoi ? Aux dossiers administratifs ? A l’expertise ? ou à tout autre chose ?

Face au partage et peut-être même à l’éclatement de la fonction RH, le DRH de demain se situera sur 3 catégories de rôles. Il aura tout à gagner à exercer des rôles sur la réflexion en tant que concepteur associé à équipe de direction. Il devra aussi apparaître comme promoteur des actions qu’il engage. Enfin le DRH saura prendre appui sur d’autres interlocuteurs, plus particulièrement les managers de proximité pour déployer la GRH.

Les compétences et postures des gestionnaires des êtres humains de demain pourraient être les suivantes :

Orienter leurs actions en fonction de la stratégie, assurer la gestion du capital humain, créer de la valeur pour l’ensemble des parties prenantes en interne (direction, manager, agent), être un porteur média et technologique, être dans la conception et dans l’analyse, être garant des conformités dans le cadre réglementaire et un défenseur crédible des agents, participer à la mise en œuvre du changement.

Le/la DRH du futur sera un homme/une femme de la terre, de terrain : il sera cueilleur (re questionner les politiques RH), horticulteur (nouveaux défis), semeur (gestion des talents), et cultivateur.

Pour conclure parmi les enseignements et les conseils et pour la préservation de l’espèce, le DRH devra gérer des demandes antagonistes et paradoxales, il sera particulièrement attentif à la question de la créativité et de l’innovation. La créativité est une ses compétences clés. Il fera aussi la preuve de sa capacité à sortir du cadre et à s’affranchir des structures organisationnelles. Il adoptera un profil tourné vers l’humain (parfois oublié). Il travaille avec toutes les parties prenantes, internes et externes. Franck BRILLET fait néanmoins part de son inquiétude : de plus en plus de DRH se font débarquer du comité de direction, le cadre réglementaire est plus complexe et plus technique.