Valérie CHATEL : Améliorer la performance des services publics sans détruire les individus

Forum des décideurs publics - Pourquoi et comment réformer ? Accélérer les transformations de la Fonction RH - Décembre 2010

Les services publics sont confrontés à un impératif vital celui de rationaliser l’action publique : dans les collectivités territoriales comme dans les services de l’Etat, les moyens en personnel et en budget sont limités alors que la demande sociale est en augmentation.

Parce qu’ils sont très souvent très près du terrain les services publics dans les mairies, les départements ou des intercommunalités doivent faire preuve d’adaptation permanente : réactivité dans l’accueil comme dans le traitement des dossiers, amplitudes horaires plus grandes, qualité meilleure, utilisation d’outils modernes.

La qualité des services publics ne peut se maintenir que si la performance des agents évolue : il faut accepter les horaires décalés, développer son professionnalisme, construire collectivement en utilisant des méthodes modernes, se soumettre à l’évaluation.

Pour encourager la performance publique : il faut rationaliser l’organisation des services publics

Le premier défi des services publics concerne d’abord l’organisation des services publics : il faut prendre des décisions et à faire des choix. Quelles fonctions doivent être renforcées ? quelles compétences faut il privilégier ? Dans quels domaines peut-on réduire l’activité ?

Agir sur les causes de contre performance.

Les agents publics ont le sens du service public, le respect de l’usager et l’envie de donner une bonne image de leur activité. Ils ne sont (en général) pas individuellement responsables de l’absence de performance.

Le problème majeur auquel sont confrontés les services publics est celui qui est décrit par CROZIER dans le phénomène bureaucratique :

  • la routine,
  • l’utilisation de solutions inadaptées fondées sur une vision peu opérationnelle.
  • La fermeture à l’extérieur et l’incapacité à comprendre les contraintes des autres ou à communiquer sur ses propres contraintes

Pour éviter ces dérives l’agent public idéal est donc non seulement compétent mais aussi innovant, ouvert au monde, capable d’analyse critique. Mais ces qualités ne sont pas spontanées ni constantes, elles doivent être encouragées et suscitées.

Former les cadres au management

La compétence d’un agent est évolutive, car il doit au cours de sa carrière consolider les savoirs qu’il a acquis lors de sa formation, s’adapter aux évolutions de son métier, changer de métier en fonction de sa carrière, de la disparition de son activité…ou de sa vie personnelle, se former pour conserver non seulement des compétences à jour mais aussi une capacité à continuer à s’adapter.

Le besoin principal des administrations en matière de RH est donc aujourd’hui d’améliorer les compétences dans le domaine du management afin que les cadres puissent eux même développer chez leurs collaborateurs :

  • des connaissances et de l’expérience professionnelle
  • des pratiques professionnelles permettant d’améliorer leurs compétences : la mobilité, la formation tout au long de la vie
  • une compréhension des objectifs collectifs

Ces objectifs collectifs nécessitent des réorganisations des services en fonction des besoins : les services publics sont à la fois soumis au principe de continuité, ils représentent la pérennité de l’administration et garantissent dans le temps le suivi de leurs actions, et au principe de nécessaire adaptation.

Partager réellement des objectifs

Pour améliorer la performance d’un service public il faut partager la même image de cette performance

Pour être atteinte la performance doit d’abord être définie : il ne s’agit pas de mettre sur pied le meilleur service public du monde qui traite les demandes des usagers immédiatement ou produise des repas de collectifs dignes d’un quatre étoile.

Il s’agit de réaliser le service public le plus efficient c’est-à-dire le plus proche des moyens qu’on y met, celui qui répond la demande de l’usager dans un délai correct, qui assure une qualité dont le niveau est fixé, qui assure en fait non pas le service public parfait mais un niveau défini de service public.

Rien n’est plus difficile que de partager cet objectif : l’attente des agents n’est pas de se conformer à cette image « imparfaite », mais de réaliser au mieux leur métier, leur travail, leur œuvre.

Pour la fonction publique la professionnalisation des agents est presque un paradoxe : si les agents sont de bons professionnels –ce qui est le souhait à la fois des agents eux-mêmes et de l’organisation- il n’est pas facile pour eux de renoncer à la qualité du service public dont ils ont rêvé.

Il y a donc un paradoxe à faire croire que l’on recherche une performance absolue des individus en fait la performance recherchée n’est pas seulement une performance individuelle.

La performance s’appuie sur des personnes dans un système social collectif

Le travail est avant tout un acte collectif et non une juxtaposition d’actions individuelles. C’est la mobilisation de chaque agent dans ce collectif qui est créatrice de performance.

Il ne s’agit pas d’une mobilisation identique mais d’une mobilisation des ressources propres de chacun. Ces ressources sont différentes.

Elles sont mobilisées différemment selon le type de travail d’un groupe.

Le rôle du manager consiste à organiser de manière productive les tensions qui animent un groupe.

  • Cadrer les procédures
  • Faire fonctionner la communication
  • Assurer la cohésion du groupe vis-à-vis de l’extérieur
  • Assurer à chaque membre du groupe non seulement une place mais une reconnaissance sincère.

La rémunération au mérite n’est pas la solution unique qui va améliorer la performance des collective.

Le déroulement de carrière, l’intérêt du travail, le résultat atteint, la reconnaissance sociale sont tout aussi importants que la rémunération et doivent être autant mis en œuvre que la rémunération au mérite.

Les primes massives, ou systématiques ne sont pas facteur de performance à long terme. C’est l’évolution d’une rémunération qui maintient la mobilisation. La compétition entre agent n’est que ponctuellement perçue comme un challenge productif. Les félicitations constantes ou les reproches permanents sont contreproductifs.

La mobilisation ne se décrète pas, pour qu’un agent se motive et s’investisse dans son travail il faut donc d’un coté utiliser tous les moyens mobilisables pour marquer sa réussite ou surmonter ses difficultés et d’un autre côté, il faut surtout doser justement leur utilisation.

Dans ce contexte le dialogue social peine à trouver ses nouvelles marques : le champ d’action des représentants du personnel est la défense des intérêts collectifs et leur assise est la garantie de droits égaux pour tous les agents, quel que soit leur handicap, leur état de santé.

La cohésion sociale passe obligatoirement par la capacité à mettre en œuvre un projet collectif avec -entre autres- les représentants du personnel. Il est donc important de nouer sur l’évolution de la fonction publique un dialogue constructif