Projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires

2013

L’association des DRH des grandes collectivités estime que le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires est un texte positif qui répond à une double attente :

  • Celle du public qui veut être assuré que l’exercice du service public s’exerce dans un cadre déontologique explicite.
  • Celle des fonctionnaires eux-mêmes qui souhaitent que les textes fondateurs de 1983 du statut de la fonction publique soient précisés et adaptés à leurs besoins.

L’association partage les objectifs du législateur. Pour redonner du sens au service public il est nécessaire de réaffirmer les principes fondamentaux de la fonction publique : neutralité, impartialité, probité et laïcité.

Le point de vue de l’association des DRH des grandes collectivités est pragmatique, il s’agit d’une vision pratique des conditions de mise en œuvre des principes contenus dans le projet, en particulier dans les services publics locaux. Pour que les services publics soient pleinement efficaces, il est nécessaire que les habitants comme les autorités aient une totale confiance dans la probité de leurs agents publics. Il faut donc réaffirmer que l’exemplarité dans le comportement des agents du service public est fondamentale.

C’est pourquoi les propositions de l’association visent essentiellement à préciser plutôt qu’à apporter des modifications à ce projet. Pour en faciliter la lecture ces suggestions sont rapportées à chaque article :

Article 1er : il conviendrait de préciser, pour que cet article soit opérationnel, que le fait pour un fonctionnaire de manifester, dans l’exercice public de ses fonctions, ses convictions religieuses ou politiques constitue un manquement a ses obligations (et qu’il peut donc à ce titre être sanctionné). Sans cette précision cet article n’aura pas de portée.

Article 4 « Le modèle et le contenu de la déclaration d’intérêts, ses modalités de dépôt, de mise à jour et de conservation sont fixés par décret en Conseil d’État » il conviendra d’être pragmatique dans l’élaboration de ce modèle de manière à ce qu’il ne soit pas source de lourdeur administrative.
Pour les fonctionnaires des collectivités territoriales qui seraient concernés par ce dispositif, il faudra préciser les conditions de conservation de cette déclaration. « Elle est conservée par l’autorité hiérarchique » signifie-t-elle que la déclaration faite par le directeur général des services est conservée par le maire ou le président de la collectivité ?
« Les agents dont les missions ont une incidence en matière économique et dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient sont toutefois tenus, à peine de nullité de leur nomination, de prendre, dans un délai de deux mois suivant leur prise de fonction, toutes dispositions pour que leurs instruments financiers soient gérés, pendant la durée de leurs fonctions, dans des conditions excluant tout droit de regard de leur part »…« Les agents justifient des mesures prises auprès de la commission mentionnée à l’article 25 octies ». Cette formulation assez vague ne permet pas de cadrer la manière dont cette obligation va se réaliser. Elle ne précise ni les sanctions encourues si les mesures édictées ne sont pas prises, ni la manière dont le contrôle en sera réalisé.

Les article 6 et 7  : restreignent la possibilité d’exercer une activité à temps partiel pour créer ou reprendre une entreprise. Ils mettent fin à la possibilité pour les fonctionnaires de créer une auto entreprise. Cette interdiction semble excessivement catégorique pour les fonctionnaires qui souvent commencent par exercer une activité d’auto entreprise avant de s’investir réellement dans leur nouvelle activité. Il serait plus opérationnel de limiter dans le temps la possibilité de percevoir des revenus complémentaires sous le statut d’auto entrepreneur.

Article 18 : les fonctionnaires sont placés obligatoirement dans une situation d’activité, de détachement, de disponibilité ou de congé parental. Cette énumération ne semble pas prendre en compte la situation des agents en congé spécial sauf à considérer explicitement que cette situation est à rattacher à la situation d’activité.
La limitation de la rémunération perçue dans un emploi de détachement constituerait un retour en arrière et un frein à la mobilité. L’expérience a montré par le passé qu’un certain nombre d’agents renoncent à leur détachement si celui-ci ne leur permet de percevoir la rémunération qu’ils attendent. De manière pratique cette rémunération attendue correspond à celle que perçoivent leurs nouveaux collègues ou leurs prédécesseurs. Les agents en détachement considèreraient comme dévalorisant le fait de ne pouvoir percevoir le salaire qui peut être versé à d’autres salariés de même niveau. Il apparait à l’association des DRH des grandes collectivités qu’il serait plus pertinent de mener une réflexion sur la parité entre les trois fonctions publiques qui permettrait de limiter les écarts de rémunération entre les emplois des différentes administrations. En tout état de cause, si cet article est adopté, il faudrait que cet article traite également des situations de détachement en cours

Article 22  : Des transferts de compétences sont en cours entre les régions et l’Etat en matière de gestion des fonds européens. Il apparaît qu’un certains nombres d’agents de l’Etat affectés à cette compétence dans les services de l’Etat, sont des agents non titulaires, parfois en CDI. Il y aurait lieu de coordonner la présente loi à la loi « MAPAM » du 27 janvier 2014 qui précise que « Les fonctionnaires et les agents non titulaires de l’Etat et de ses établissements publics affectés à des services ou parties de service mis, en application des conventions ou des arrêtés mentionnés aux II et III de l’article 81, à disposition d’une collectivité ou d’un groupement de collectivités sont de plein droit mis à disposition ». D’une manière générale il faudrait préciser dans cet article que la mise à disposition de personnels entre administrations publiques de l’Etat et des collectivités peut concerner des agents non titulaires notamment s’ils s’ont en CDI. De la même manière il serait utile de préciser qu’il peut être dérogé à l’obligation de remboursement en cas de mise à disposition d’agents ou de services de l’Etat dans une collectivité territoriale.

Article 25  : Cet article étend les conditions de mise en œuvre de la protection fonctionnelle des agents et c’est une avancée très positive. En revanche il ne définit pas les conditions de refus de la protection fonctionnelle. Les employeurs publics sont fréquemment sollicités pour accorder la protection fonctionnelle à des agents qui sont soumis à une procédure disciplinaire en cours d’instruction ou impliqués dans un conflit interne avec leurs collègues ou leur hiérarchie. Il y aurait lieu de prévoir pour les employeurs une faculté claire de refus d’attribution ou de suspension de la décision de la protection fonctionnelle dans ces situations où les responsabilités ne sont pas établies et où l’agent demandeur est susceptible d’être responsable de conflits.

Article 26
 : La clarification de la gestion de la suspension est une disposition positive. Cet article pourrait être utilement complété de dispositions pratiques en cas de prolongation de la suspension ou d’affectation provisoire dans un autre poste pour les agents logés par nécessité absolue de service. En effet lorsque la faute d’un agent nécessite une suspension à long terme ou empêche la reprise d’activité dans le même service, les faits qui sont instruits sont incompatibles avec le logement sur place (par exemple logement dans un établissement scolaire ou dans un équipement sportif d’un agent poursuivi pour agression sur des mineurs, logement dans un établissement recevant du public d’un agents responsable d’agression ou de voie de fait…) ; en pratique il serait nécessaire de prévoir explicitement que les employeurs peuvent dans de tels cas, à l’expiration du délai de quatre mois de suspension, exiger que l’agent quitte le logement qui lui est attribué.

Article 27  : la mise en place d’un délai de prescription en matière disciplinaire est utile mais il serait nécessaire de préciser que ce délai court à partir de l’inscription dans le dossier individuel de l’agent de manière à ce que ce délai soit réellement opposable. La simple prise de connaissance ne constitue pas un élément assez factuel pour être opérationnel. Dans la majorité des cas en effet l’administration est informée de faits complexes qui ne permettent pas en eux-mêmes de faire apparaître la responsabilité d’un agent, c’est après une période d’instruction ou d’enquête que les faits sont imputés clairement à des personnes et donc versés au dossier de l’agent.

Article 28  : Dans la fonction publique territoriale, les sanctions du premier groupe comprennent l’exclusion temporaire de fonction pour une durée inférieure à trois jours. Plutôt que supprimer cette faculté qui permet à l’administration territoriale de marquer simplement et rapidement qu’un agent a commis des faits suffisamment graves pour nécessiter une sanction sérieuse, il serait utile d’étendre cette faculté à l’ensemble de la fonction publique.
En pratique l’exclusion temporaire de fonction de courte durée serait difficile à mettre en œuvre si la réunion du conseil de discipline est requise, en raison des règles de fonctionnement du conseil de discipline de la fonction publique territoriale. Il est présidé par un magistrat du tribunal administratif, et il a lieu au centre de gestion du département ou exerce l’agent. Sa réunion pour des faits qui sont certes sérieux mais cependant courants générerait des lourdeurs administratives et surtout des délais qui rendront la production de la sanction de ce niveau totalement inopérants.
L’inscription d’une sanction intitulée « le déplacement d’office » serait une nouveauté pour la fonction publique territoriale : la mobilité n’est pas une sanction dans les collectivités, elle est parfois une mesure administrative nécessaire (mobilité dans l’intérêt du service) et est à ce titre soumise à la commission administrative paritaire. Définir le déplacement d’office comme une sanction risque en pratique d’obliger l’administration à choisir entre une sanction d’exclusion temporaire par exemple et un changement d’affectation. Or dans de nombreux cas il est bien nécessaire de sanctionner un agent d’une part, et de prendre, d’autre part, une mesure lui permettant de se mettre dans de conditions nouvelles et positives de travail en changeant de poste.
Sur le plan pratique il serait utile de modifier également le fonctionnement du conseil de discipline des régions : les plus grandes régions doivent tenir leur réunion –pour les agents des lycées- avec un même président du conseil de discipline et les mêmes membres représentants du personnel et de l’administration, dans autant de lieux de réunions qu’elles comptent de départements. Il serait beaucoup plus pragmatique pour programmer les sessions des conseils de discipline de prévoir une possibilité de centraliser le conseil de discipline régional dans le centre de gestion de la préfecture de région. Cela permettrait de regrouper les dossiers en une seule session.

Dans le chapitre 2 consacré aux agents non titulaires : il serait utile de revenir sur la rédaction de l’article 3-2 de la loi du 26 janvier 1984 qui limite à deux ans la possibilité de recruter des agents non titulaires « pour faire face à une vacance temporaire d’emploi dans l’attente du recrutement d’un fonctionnaire ».
En effet, lorsque le recrutement d’un fonctionnaire n’est pas possible (faute de candidat) les collectivités recrutent un agent non titulaire et lui demandent d’intégrer la fonction publique en passant un concours. Or actuellement la plupart des concours de la fonction publique territoriale ne sont plus organisés que tous les deux ans. Il est en pratique rend quasiment impossible à un agent contractuel, de passer un concours dans un délai aussi court. Il y aurait lieu de prévoir au moins trois ans de contrats (soit le renouvellement non pas une fois mais deux fois du contrat initial) pour permettre aux agents de passer réellement des concours.