Loi du 6 août 2019 : 3 questions à Johan Theuret

Finalement, ce texte est-il l’œuvre de l’ange ou du démon ?

La loi du 6 août 2019 contient avant tout des dispositions très opérationnelles en faveur des agents et des employeurs. Les premières annonces gouvernementales pouvaient inquiéter à cause de leur seule vision comptable et budgétaire. Mais chemin faisant, probablement grâce à l’implication de nombreux acteurs, et de par un riche travail d’amendements par les parlementaires, la loi offre finalement des avancées significatives pour la gestion des ressources humaines et simplifie nombre de mesures. Pour autant, cette loi dite de transformation de la fonction publique ne vise pas à transformer ou à modifier les équilibres passés. Soyons honnêtes, la fonction publique n’en sera pas transformée ! Elle occulte par ailleurs une problématique importante celle de l’accès à la fonction publique afin de la rendre plus représentative de la diversité de la société française. Cela nécessitait de travailler sur une vraie réforme des concours. Mais la véritable inquiétude se trouve au niveau de l’adoption des prochains décrets et ordonnances, ce qu’on appelle le champ hors parlementaire, c’est-à-dire pour lequel ni les Députés, ni les Sénateurs ne peuvent agir. On ne peut que déplorer le silence gardé par le Gouvernement pour associer les employeurs, les organisations syndicales et les praticiens à l’élaboration de ces futures mesures, campant dans la posture de la verticalité.

Dans quel état le dialogue social va-t-il sortir de cette loi ?

Le recentrage des CAP sur des compétences permettant aux agents de contester une décision de l’administration et la fusion des CT et des CHSCT visent à sortir d’un dialogue social parfois jugé d’un autre âge. Les mesures contenues dans la loi comme notamment l’adoption de lignes directrices ou l’adoption tous les ans d’un rapport social unique donnant la stratégie RH doivent promouvoir une nouvelle approche du dialogique social. En articulant les questions d’organisation, les questions RH et les conditions de travail, le visage du dialogue social devrait tourner le dos aux seules questions individuelles et plus s’intéresser au collectif. Cela dépendra de la capacité des acteurs à s’emparer de la logique de ces changements

L’arrivée des contractuels va-t-il changer la territoriale ? Pour le mieux ou pour le pire ?

Les différentes mesures relatives aux contractuels comme la création du contrat de projet, la possibilité de recruter pour 3 ans des catégories B, ou l’indemnité de fin de contrat constituent de véritables avancées. Je dirais même qu’elles permettent de mettre fin à une certaine hypocrisie puisque ces mesures rendent possibles des pratiques de recrutements utiles pour la fonction publique et les agents, et ne font qu’entériner les pratiques déjà en vigueur. N’oublions pas que la fonction publique territoriale est déjà composée de presque 25% de contractuels et que la première porte d’entrée dans la territoriale reste malheureusement le contrat. Donc le véritable enjeu, ce n’est pas de fermer la FPT aux contractuels, mais de l’encadrer. D’une part, en réfléchissant à l’harmonisation des pratiques RH entre titulaires et contractuels et ce, afin de garantir de la cohérence et de l’équité dans nos collectifs de travail. D’autre part, en réformant les concours. Parce que si tant de personnes intègrent la territoriale par la voie contractuelle, c’est parce que la voie du concours souffre d’un manque de lisibilité, d’une insuffisante publicité et d’une mauvaise attractivité notamment salariale.