La loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique constitue une nouvelle étape importante dans la vie législative de la fonction publique. Avant tout une loi technique, qui contient au travers de ses 95 articles de nombreuses dispositions pratiques et opérationnelles, elle apporte néanmoins des modifications importantes et utiles pour les agents et les employeurs.
Ainsi, pour la fonction publique territoriale, cette nouvelle loi grâce à la réorganisation des instances paritaires va fluidifier le dialogue social en fusionnant les CHSCT et le CT au sein du comité social territorial, en recentrant la compétence des commissions administratives paritaires sur les décisions individuelles défavorables, en instaurant la publication annuelle d’un rapport social unique. De même, dans son titre II, elle apporte les assouplissements nécessaires au recrutement des contractuels via la création du contrat de projet, la possibilité de recruter sur des durées de trois ans des agents de catégorie B et instaure la prime de fin de contrat. Elle met fin à quelques survivances d’un autre âge en supprimant les illisibles dérogations à la durée annuelle de 1607 heures ou en donnant la possibilité de faire des grèves perlées parfois abusives, et elle confère de nouveaux droits comme la portabilité du CDI entre les différents versants de la fonction publique ou en instaurant de façon expérimentale le mécanisme de la rupture conventionnelle. Grâce à la richesse des apports parlementaires, elle renforce les obligations en matière de déontologie, par exemple en fusionnant les moyens de la commission de déontologie avec ceux de la Haute Autorité de la Transparence de la Vie Politique ou en tirant les enseignements de l’affaire Benalla en renforçant les obligations déontologiques des conseillers du Président de la République. L’ensemble des dispositions relatives à l’égalité professionnelle, en transposant l’accord du 30 novembre 2018, constitue de réelles avancées notamment l’exonération des femmes enceintes de la journée de carence ou le droit à l’avancement pendant un congé parental.
Bien que ces différentes mesures n’obéissent pas une cohérence d’ensemble, parions sur leur indéniable apport pour que les différents acteurs s’en saisissent pour moderniser leur gestion administrative quotidienne. Pourtant, ce qui a manqué tout au long du débat, c’est une ligne et une vision de la modernisation de la fonction publique. En effet, aussi utiles et pertinentes soient ces mesures, ces dispositions disparates ne constituent pas un ensemble cohérent. Or, la modernisation de la fonction publique en a besoin pour retrouver le souffle dont elle a besoin et pour conserver son attractivité.
Ce qui a manqué dès le départ, c’est un véritable titre consacré aux voies d’accès à la fonction publique. Les questions de la représentativité par rapport à la diversité de la société française, des modes d’accès par la modernisation des concours et des profils par le besoin notamment d’accroître l’apprentissage constituent de vrais défis malheureusement occultées pour le moment. La problématique des politiques de prévention et d’amélioration des conditions de travail mérite probablement mieux que des dispositions votées dans le cadre de futures ordonnances. En effet, le fonctionnement des instances médicales ou le besoin de mutualiser le financement des situations de reclassement sont de vrais défis.
L’importance des sujets renvoyés au champ des ordonnances constitue une véritable source d’inquiétude pour nombre d’acteurs, qu’ils s’agissent des partenaires sociaux, des parlementaires, des praticiens. En effet, les conditions d’élaboration des ordonnances sont toujours mystérieuses quant à leur défaut de concertation. Par ailleurs, l’important travail fourni pendant la phase parlementaire (le projet de loi initial contenait 36 articles, le texte final en contient 95) démontre l’apport indéniables des élus. C’est pourquoi, alors qu’une période, dite "hors champs parlementaire", débute avec l’élaboration des décrets d’application ou avec la rédaction des ordonnances, les discussions et les échanges doivent réellement se poursuivre.
Johan Theuret
Président de l’Association des DRH des grandes collectivités territoriales