La désacralisation du lieu de travail : Du statut à l’usage, de la représentation de la fonction à l’action

Actes du colloque du 5 octobre 2018

Aline RIDET
DGA adjointe RH, région Île-de-France

Le déménagement du siège de la région Île-de-France à Saint-Ouen était une promesse de campagne de Valérie Pécresse. Deux objectifs ont été fixés : sortir du périphérique et faire des économies tout en prenant l’engagement de réaliser des espaces partagés hautement qualitatifs et de développer le télétravail. Les organisations syndicales ont organisé une votation : sur les 1800 personnes du siège 1000 ont indiqué refuser de travailler dans un open-space. Certains ont choisi de quitter les services de la région.

La région a accompagné tous les agents en amont du déménagement : découverte du territoire, conférences, organisation de visites de sites extérieurs. Le projet a aussi été largement débattu. Un programme spécifique a également été conçu pour les managers à la fois plus déstabilisés et plus exposés : « je vois tout le monde mais je suis aussi visible. » Le campus des cadres a engagé nombre d’actions telles que : conférences, ateliers, formation, Rex et Co-Dev.

e télétravail, qui nécessite un bon équipement a rapidement été déployé dans les services. Sur 1800 agents, 1000 sont télétravailleurs dont la moitié sur deux jours. Une grande liberté est laissée aux équipes qui se sont organisées en définissant elles-mêmes les jours de télétravail. Les agents ne badgent pas et leurs horaires susceptibles d’être décalés. Les directeurs organisent l’espace avec les équipes. Les agents planifient leurs activités en fonction du lieu de travail et gagnent en autonomie, ce qui renforce leur motivation. Quand ils viennent au bureau, ils ont besoin d’échanges et de passer du temps avec leurs collègues.

Ne pas avoir de bureau attitré offre un espace de liberté pour s’installer où on le souhaite. Les locaux étant bien aménagés avec de zones de convivialité et de détente, le taux de satisfaction des collaborateurs est élevé.

À terme, deux sujets sont en réflexion : le droit à la déconnexion et le nombre de bureaux nécessaires. Certains espaces semblent aujourd’hui sous-occupés compte-tenu des réunions et du télétravail.

Clothilde FRETIN-BRUNET
Conseillère au ministère de la cohésion des territoires

En tant que DGA Ressources au département de l’Essonne, je bénéficiais d’un immense bureau dans lequel je ne passais que très peu de temps du fait de nombreuses réunions. Mon bureau hébergeait en fait les parapheurs ! Sur la base de ce constat, j’ai transformé, en 15 jours mon bureau, sans travaux, ni achats, en « espace ressources » avec tableaux blancs, paper-boards, planche en bois, tréteaux, mange-debout et fauteuils. Cet aménagement m’a permis de mettre en cohérence l’espace avec mes principes managériaux de mutualisation et de solidarité. Les équipes pouvaient utiliser tout ce qui était mis en commun, tant les dossiers, à l’exception de ceux des agents, que la documentation. Ce dispositif a très bien fonctionné avec les directeurs de la DGA Ressources comme avec leurs équipes. »Nombre de personnes m’ont néanmoins fait part de leur étonnement estimant « qu’il n’était pas possible qu’un DGA n’ait pas de bureau ». Le bureau restant un marqueur social, les plus anciens ont eu du mal à l’accepter. Mon successeur a d’ailleurs reconverti « l’espace ressources » en bureau.

Elisabeth PELEGRIN-GENEL
Architecte et psychologue

Depuis quelques années les RH s’intéressent aux espaces de travail auparavant domaine des directeurs immobiliers. Les organisations ont mis 50 ans à faire tomber les murs mais ils reviennent sous une autre forme, notamment pour porter les écrans ou les tableaux interactifs. L’open-space s’est traduit par une banalisation des espaces dont l’aspect positif est de mettre les gens sur un pied d’égalité tout en rendant paradoxalement encore plus visible la hiérarchie. La direction est effectivement, bien souvent, restée « planquée » derrière ses murs. L’open-space favorise la communication physique et est bien adapté au travail sur écran ainsi qu’au travail de concentration individuel.

Le télétravail nécessite de revoir les modalités d’aménagement des bureaux pour répondre aux attentes des collaborateurs. Ils ne viennent pas pour se plugger et faire ce que l’on peut faire ailleurs mais principalement pour échanger. L’espace conditionnant le travail, les agents adaptent leur activité au lieu où ils travaillent.

Le bureau est une affaire de génération. Les jeunes managers n’ayant connu que des espaces collectifs y sont à l’aise. Les autres peuvent vivre la suppression de leur bureau comme une perte de spontanéité et de fluidité dans la relation avec leurs collaborateurs lorsque les échanges nécessitent de la confidentialité mais ils s’habituent et s’adaptent.