Face aux nouveaux risques organisationnels et à la perte de repères, quelles modalités d’organisation et de management ?

Actes du colloque du 6 octobre 2017

Catherine MIEG
Directrice fondatrice Mieg Consultants

Ce qui manque actuellement dans nos organisations, et plus particulièrement dans le management, c’est la prise en compte du travail réel. Le travail est un vrai étayage en termes de santé mentale. Si le collaborateur est correctement formé, il va donner le meilleur de lui-même. Lui demander ce dont il a besoin est préférable à la mise en place de multiples systèmes pour le motiver. Selon les ergonomes, l’écart entre le travail prescrit et le travail réel est une source d’ingéniosité. Comment le collaborateur investit l’écart pour que cela marche. Catherine Mieg défend l’idée que le manager est producteur de ressources immatérielles et qu’il accompagne les changements initiés par la base. Le travail est un lieu de changement et d’amélioration continue si tant est que les managers l’accompagnent.

Aissia KERKOUB-TURK
Directrice générale adjointe des services, ville d ’Annemasse

Le manager est essentiel. Il ne s’agit pas de supprimer des postes d’encadrants ou même les fonctions support mais de changer de posture. La solution d’un problème doit être confiée à ceux qui font, c’est un réel changement du rôle du manager. A Annemasse, on compte 3 catégories de cadres : ceux qui adhèrent, ceux qui opèrent une remise en question et une partie qui se sent en danger. Il est nécessaire de les accompagner.

Bernard BALLARIN
Directeur relations sociales groupe Michelin

Michelin est une entreprise de main d’œuvre qui fabrique des objets et qui emploie 110 000 personnes dont 65 000 ouvriers de fabrication. Depuis la fin du XIXème, l’organisation du travail est fortement taylorisée. Dans les années 80, la mise sous contrôle s’est renforcée. A la division du travail s’est ajouté un nombre croissant de normes, de référentiels, de standards. La marge d’autonomie s’est réduite avec l’illusion, pour la direction générale, que tout était sous contrôle. Afin de satisfaire le client, les produits se sont diversifiés. Le contrôle ne pouvait plus être assuré.Dans les années 2000, on a mis en place des systèmes de production inspirés de Toyota. Ce fut un succès au regard des gains de productivité mais pas pour les opérateurs. On leur avait enlevé les derniers espaces de liberté et on avait considérablement individualisé leur travail. L’entreprise était devenue obéissante à des chefs, à des règlements, à des modes opératoires. Il était temps d ’inventer une autre façon de travailler en favorisant l’autonomie des ouvriers : prendre des décisions au quotidien, s’auto diriger et résoudre par soi-même les aléas de fabrication. Faute de trouver la réponse, la direction générale a posé la question aux ouvriers de fabrication : que pouvez-vous faire par vous-mêmes sans l’autorisation du chef ni l’intervention de la maintenance ? Un an de tests en laboratoire, avec le concours de 1500 ouvriers a permis de s’assurer qu’ils sont capables de traiter 85% des cas.Lors de l’enquête de satisfaction menée en 2013, l’écart entre les « cols blancs » et les « cols bleus » était de 15 à 20 points. En 2016, il n’est plus que de 2 points. En leur rendant leur travail, on a fait bondir leur motivation.

Questions

Une organisation libérée, oui ; mais pourquoi pas une organisation hiérarchique suffisamment mature ?

Catherine MIEG revient sur la question du travail, comment le rendre vivant pour être épanoui ? Le débat est à engager sur les critères de qualité du travail, point de rencontre entre le collaborateur et l’entreprise. Les avis divergeants peuvent produire des dégâts humains et des problèmes de productivité.

Le risque d’embolisation des collectivités n’est-il pas dans notre capacité à créer la règle ?

Bernard BALLARIN ne croit pas à un monde dérégulé. Le problème n’est pas l’existence d’une règle mais d’où elle émane. Dans la démarche de responsabilisation, il est nécessaire que les échelons supérieurs énoncent des intentions, des principes, et disent aux gens : maintenant que vous avez compris, fabriquez vos règles. Une organisation du travail doit autoriser à changer le standard.

Quel rapport au pouvoir, notamment au niveau de l’exécutif ?

Selon Aissia KERKOUB-TURK, les élus sont informés et bienveillants sans être réellement associés à la démarche.