Encadrement du droit de grêve

Interview accordée à l’Agence de presse AEF

L’encadrement du droit de grève est une mesure "attendue et légitime" Johan THEURET, Association des DRH des grandes collectivités territoriales)

L’encadrement du droit de grève dans la territoriale est une mesure "attendue et légitime", tout comme la fin des régimes dérogatoires aux 35 heures, affirme Johan THEURET, président de l’association des DRH des grandes collectivités locales (1), interrogé par AEF info sur la loi DUSSOPT du 6 août 2019. Plus largement, "nous serons vigilants pour que [les décrets à venir] ne déforment pas l’esprit de la loi", prévient-il. En matière de santé au travail, le président de l’ADRHGCT propose de moduler le taux de cotisation des accidents du travail selon la fréquence des sinistres, comme dans le secteur privé. Il revient également sur ses attentes concernant la future réforme des retraites.

AEF info : L’association des DRH des grandes collectivités a été très active tout au long du débat parlementaire sur le projet de loi de transformation de la fonction publique pour faire passer ses propositions. Quel bilan dressez-vous de la version finale de la loi DUSSOPT ?

Johan THEURET : Nous avons été largement écoutés par les parlementaires, notamment la députée Émilie CHALAS (LaRem, Isère) et la sénatrice Catherine DI FOLCO (LR, Rhône), davantage que le gouvernement. C’est une loi très technique avec des dispositions concrètes qui vont dans le bon sens car elles vont permettre de simplifier le statut.

Parmi les mesures qui nous satisfont particulièrement, figurent la fusion CT-CHSCT, le recentrage des CAP sur les cas litigieux, l’ouverture des CDD de trois ans aux catégories B. Jusqu’à présent, on ne pouvait proposer aux contractuels que des CDD d’un an, renouvelables une fois. Nous soutenions la création du contrat de projet pour les catégories A, voire B, mais pas pour les catégories C. Ce type de contrat n’est pas utile pour effectuer des tâches d’exécution.

"Nous serons vigilants pour que ces textes ne déforment pas l’esprit de la loi, comme celui sur la rémunération des emplois fonctionnels."

Autre motif de déception, l’ouverture très large des embauches de contractuels ou de fonctionnaires sur des emplois à temps non complet (postes à temps partiel obligatoire), qui pourrait accroître la précarité. Le gouvernement assure que cela permettra de réduire le nombre de vacataires, mais je n’en suis pas sûr car il s’agit souvent d’emplois non permanents, pour des remplacements ponctuels.

Il reste un grand nombre de décrets à prendre pour préciser le sens de la loi. Nous serons vigilants pour que ces textes ne déforment pas l’esprit de la loi, comme celui sur la rémunération des emplois fonctionnels. Leurs salaires devraient être alignés sur ceux perçus par les collaborateurs de cabinet.

AEF info : La restriction du droit de grève dans certains services publics locaux et la suppression des régimes dérogatoires aux 35 heures ont été vivement critiquées par les syndicats…

Johan THEURET : Ce sont deux mesures attendues et légitimes. Personne n’a été surpris de voir arriver l’amendement au Sénat sur l’encadrement du droit de grève dans les collectivités locales. Il y aura dans chaque collectivité des négociations sur les cycles de travail, mais ce n’est pas un sujet épineux.

En tant qu’employeurs, la retenue sur salaire à la journée (dès la prise de poste et non en cours de service) et le délai de prévenance de 48 heures avant la grève sont des mesures très efficaces. Nous l’appliquons d’ailleurs à la métropole de Rennes depuis mai 2018 au sein de la direction éducation-enfance.

AEF info : Qu’attendez-vous des ordonnances à venir ?

Johan THEURET : Il faudra que le ministère organise un minimum de concertation avec les organisations professionnelles car les sujets, comme la protection sociale complémentaire ou la santé au travail, sont très importants. Il faut revoir le fonctionnement des instances médicales (commission de réforme et comité médical), qui sont arrivées à bout de souffle.

"Nous proposons de mettre en place un système de mutualisation entre employeurs pour financer le reclassement des agents qui sont de plus en plus nombreux à être déclarés inaptes."

Nous proposons de mettre en place un système de mutualisation entre employeurs pour financer le reclassement des agents qui sont de plus en plus nombreux à être déclarés inaptes.

De plus, le taux de la cotisation AT-MP (accident du travail-maladie professionnelle) des employeurs publics devrait être modulé selon la fréquence de ces accidents et maladies, comme c’est le cas dans le privé. Cela permettrait de responsabiliser les employeurs territoriaux, qui ne sont pas incités à investir dans la prévention des risques professionnels car ils sont leurs propres assureurs.

Autre proposition : lister les métiers concernés par l’usure professionnelle et donner un accès prioritaire à la formation à ces agents pour qu’ils puissent s’engager dans une seconde carrière. Par ailleurs, nous attendons beaucoup de la codification du droit public car un grand nombre de mesures sont obsolètes ou erronées. Ce travail va permettre de toiletter le droit.

AEF info : La future réforme des retraites risque de réduire le taux de pension d’un grand nombre d’agents territoriaux. Quelle est votre position ?

Johan THEURET : Lors de notre rencontre avec Jean-Paul DELEVOYE en début d’année, nous avons pu lui dire que nous sommes favorables au système de retraite universel par points. En revanche, il est indispensable d’intégrer le régime indemnitaire des agents qui constitue environ 22 % de leurs rémunérations.

Les carrières des agents qui seront sortis de la "catégorie active" devront être revalorisées. Les agents qui exercent un métier pénible doivent aussi bénéficier de conditions de départ plus favorables et le compte professionnel de prévention devrait être étendu aux fonctionnaires.

(1) Johan THEURET est également directeur général adjoint chargé du pôle ressources à Rennes métropole.

Johan THEURET