Contribution au projet d’ordonnance relative à la prévention et santé au travail

10 mars 2020

Santé au travail dans la fonction publique

Art. 40 de la loi transformation de la fonction publique

Sur la réforme des politiques de santé au travail dans la fonction publique et le renforcement de la prévention

L’association des DRH des grandes collectivités a la conviction que l’amélioration des politiques de prévention dans la fonction publique est cruciale. Si cet objectif doit se traduire dans un plan santé au travail dans la fonction publique, il convient de privilégier les axes suivants.

Créer les conditions pour conforter la pluridisciplinarité.

A l’heure où le recrutement de médecins de prévention est de plus en plus complexe dans la fonction publique, les textes doivent permettre demain le fonctionnement d’équipes pluridisciplinaires (médecin de prévention, infirmier de prévention, conseiller et assistant de prévention, ergonome, assistant social du travail, psychologue du travail) efficace, offrant une répartition des rôles et un partage des tâches clair entre les différents professionnels. A ce sujet, l’Association réaffirme son souhait d’une modification des textes pour mettre en place les entretiens santé travail infirmiers (ESTI) sur le même modèle que dans le secteur privé. Cette mise en place permettrait aux médecins de dédier leur temps principal aux situations exposées et aux interventions sur le terrain avec une équipe pluridisciplinaire.

Réformer les parcours de formation des médecins de prévention.

La plupart des médecins de prévention exerçant en FPT sont des médecins en reconversion (auparavant généralistes ou spécialistes, hors médecine du travail). Leur formation de reconversion dure 4 ans. Cette durée apparaît excessive. La formation, sur un an, dispensée par l’Institut national de médecine agricole pour les futurs médecins du travail de la MSA constitue à cet égard un modèle intéressant.

Refondre la médecine agréée et mieux l’articuler avec la médecine de prévention

Les champs de compétences des médecins agréés nécessitent d’être redéfinis pour améliorer la lisibilité de leurs attributions et rendre efficace le traitement des situations des agents. Cela passe notamment par la révision des déclarations d’aptitude à l’embauche.
Dans la suite de la carrière de l’agent, le médecin agréé pourrait demain être sollicité lors de chaque renouvellement et recyclage d’aptitude technique/habilitation/agrément (ex. CACES) et également sur demande de l’employeur et potentiellement du médecin de prévention.

Refondre le modèle de financement de la prévention dans la fonction publique

La refonte de ce modèle peut passer par plusieurs évolutions :

  • sur le même modèle que la retraite, qui est mutualisée et gérée par la CNRACL, il conviendrait de mettre en place un organisme qui prenne en charge le risque santé pour la Fonction Publique Territoriale. Alimenté par une cotisation des employeurs qui serait modulée notamment sur la base de la sinistralité comme des mesures de prévention qu’ils auront chacun impulsées, cela permettrait non seulement une répartition du risque sur l’ensemble des employeurs cotisants, mais aussi une professionnalisation de la gestion du risque maladie ;
  • une articulation entre les mécanismes de financement dédiés à la réparation et à la prévention. Actuellement, les dispositifs pour la Fonction publique sont principalement orientés sous l’angle de la réparation par le biais du FIPHFP. Si le maintien en emploi et la compensation doivent encore, compte-tenu du contexte des collectivités, être maintenus pendant au moins 5 ans, l’Association préconise une évolution de la stratégie vers un modèle privilégiant le soutien aux actions de prévention. Cela pourrait se traduire notamment par une mise en synergie des outils de financement (notamment les outils portés par la Caisse des dépôts : FIPHFP, Fonds national de Prévention, programmes de prévention de la CNRACL) pour accompagner les collectivités dans leur dynamique de prévention.

Sur le régime maladie du fonctionnaire : simplifier les procédures tout en garantissant les droits des agents et la transparence pour les employeurs

L’article 40 prévoit qu’une ordonnance doit réformer les instances médicales dans la fonction publique.
Il faut rappeler le rôle important de ces instances dans la gestion du risque maladie du fonctionnaire territorial. Compte-tenu du régime spécial de prise en charge de la maladie en fonction publique, les employeurs locaux doivent recueillir l’avis de ces instances de manière très régulière.
Un avis est notamment systématiquement donné par le comité médical pour l’octroi des congés longue maladie (3 ans) et des congés longue durée (5ans), avis que l’employeur peut suivre ou non. L’avis du comité médical s’impose en revanche en ce qui concerne la reprise du fonctionnaire à l’issue de ces congés.
C’est la commission de réforme qui est saisie en cas de maladie professionnelle. Là encore, son avis lie la collectivité. Les employeurs saisissent également la commission de réforme lorsqu’ils ont un doute sur l’imputabilité au service d’un accident. Enfin, la retraite pour invalidité et l’attribution de l’allocation temporaire d’invalidité sont également du ressort de cette commission. Les éléments concernant l’invalidité sont ensuite transmis et traités par la CNRACL et également, à titre transitoire, par la CPAM (dont le process est peu clair aujourd’hui tout comme la répartition des rôles, ce qui nuit à la garantie des droits des agents et conduit à des situations de détresse sociale).
Si la réforme des instances médicales peut apparaître comme une réforme technique, elle n’en emporte pas moins des conséquences majeures pour le régime de protection sociale du fonctionnaire, et particulièrement pour la gestion du risque maladie, en forte hausse, par les employeurs locaux.
Ainsi, si l’association des DRH partage la nécessité de simplifier les procédures des instances médicales, elle invite à être vigilante, dans cette réforme, aux points suivants, dans l’intérêt des employeurs et des agents publics.

Respect des droits de l’agent et du secret médical

La simplification des procédures et du fonctionnement des instances ne doit pas se faire au détriment des droits des agents. Ainsi, même si les saisines du comité médical sont réduites (fin des saisines pour la prolongation des congés et pour la reprise à l’issue des congés, sauf cas spécifiques), l’agent doit pouvoir être informé de ses droits et de ses possibilités de recours.
Si à l’avenir, la future instance ne rend plus d’avis sur les prolongations de congés et la reprise, alors c’est l’employeur qui conserve les pièces médicales et établit des arrêtés sur la base de ces pièces médicales. L’association des DRH alerte sur la nécessité de border la procédure et la transmission des pièces (conclusions administratives) afin d’éviter toute rupture du secret médical. Dans cette hypothèse, les dossiers médicaux seraient stockés au sein des directions des ressources humaines des collectivités, les gestionnaires doivent donc être formés au secret médical.

Calcul des droits à congés et transparence pour les employeurs

Si à l’avenir, la collectivité tient le compte des droits à congés de l’agent, un décompte précis doit être effectué et versé au dossier administratif de l’agent.

S’agissant du CLD, auquel l’agent peut avoir droit plusieurs fois au titre de plusieurs pathologies, la question se pose de savoir comment le relevé sera établi sans rupture du secret médical. L’association des DRH a pu observer que, depuis que les octrois de temps partiel thérapeutiques ne sont plus soumis à avis préalable des instances médicales, le décompte du droit à une année de temps partiel thérapeutique est compliqué, voire impossible, particulièrement en cas de changement d’employeur. Loin d’être technique ou anecdotique, cette question met en jeu l’équité de traitement et l’équilibre du régime maladie du fonctionnaire, déjà coûteux pour l’employeur. Enfin, il peut créer une nouvelle charge pour les services RH, qui vont devoir accomplir un travail similaire à celui des caisses de sécurité sociale.

Suivre l’état de l’art : l’indispensable refonte des congés et de la liste des pathologies y ouvrant droit

La réforme du fonctionnement des instances ne doit pas occulter une réforme connexe et indispensable, qui doit être concomitante : la refonte des typologies de congés et des pathologies associées.
L’association des DRH propose de créer un seul congé de longue durée de 4 ans, qui se régénère. La distinction entre CLM et CLD n’a aujourd’hui plus lieu d’être, compte-tenu des progrès de la science.
Par ailleurs, la liste des pathologies ouvrant droit à un congé long doit être actualisée, la dernière mise à jour datant de 1991. Les pathologies listées ne sont plus adaptées depuis de nombreuses années.

Sur l’attractivité de la médecine agréée

La médecine agréée est aujourd’hui constituée de médecins souvent âgés, et elle peine à se renouveler. En parallèle de la revalorisation des conditions de rémunération envisagée par le Gouvernement, il convient également de déployer, au moins temporairement, des moyens au sein des agences régionales de santé afin de procéder au renouvellement du vivier des médecins agréés. Des campagnes de présentation et de promotion auprès de jeunes médecins doivent être déployées. Des diplômes universitaires « réparations juridiques du dommage corporel » doivent pouvoir être proposés dans plusieurs régions, le temps de former ce nouveau vivier.