A quels risques les DRH sont-ils exposés ? Quels sont leurs leviers d’action ?

Actes du colloque du 6 octobre 2017

Maurice THEVENET
Professeur à l’Essec et Délégué Général de la FNEGE

Les DRH ayant un gout particulier pour l’introspection, le 1er risque est peut-être celui de la dépression ! Le 2ème risque est celui d’être des fonctionnels : « quand tout va bien c’est grâce aux autres, quand tout va mal c’est de notre faute ».

La fonction RH n’a pas pour ambition de répondre aux attentes, elle doit contribuer au résultat, à la performance qui est fonction de personnes travaillant avec d’autres qu’elles n’ont pas choisies. La perception de la qualité par les usagers est fonction de leur relation avec les services et par conséquent les personnes. Comment faire en sorte que les personnes mettent d’elles-mêmes dans leur travail ? Nous sommes dans des organisations de plus en plus complexes qui fonctionnaient, avant, sur une dimension basée sur la verticalité. Aujourd’hui la verticalité demeure mais on y a ajouté du projet, du permanent, du temporaire... C’est comme avant mais en plus compliqué !

Nos organisations sont si complexes qu’il faut simplifier et clarifier. Mais, plus on simplifie, plus c’est complexe et plus c’est obscur ! Faire fonctionner des organisations complexes nécessite que les gens en aient envie, ce qui tient encore à la question de l’engagement. On dit aujourd’hui qu’il faut libérer les organisations, développer l’autonomie et être en transversal, c’est intéressant mais ce n’est pas nouveau ! Ce qui caractérise ces expériences c’est le niveau d’engagement des personnes. Qu’est ce qui permet de dépasser une crise ? C’est bien les personnes qui font qu’on la dépasse ou qu’on ne la dépasse pas.

Quels sont nos leviers d’action ?

1. Dans les RH on ne devrait jamais oublier que l’on est responsable de la collaboration. En latin, cum laborare c’est travailler avec. Dans une institution, on ne travaille pas, on travaille avec. La nature même de l’activité est collective. Le rôle des RH, c’est que cette collaboration produise quelque chose et on ne peut collaborer que si on partage quelque chose.

2. Le métier et une certaine manière de faire. Comment on fait les choses ?

3. La politesse. Toute société humaine, pour fonctionner, a besoin d’implicite, de partagé. C’est très important d’avoir ce minimum de règles avec de la convivialité.

4. La cohérence  : tout le monde a besoin de comprendre. Comment s’engager si on ne comprend rien ! On vit dans une société qui n’est pas si simple. Un bon principe à adopter est de communiquer quand il n’est pas nécessaire de communiquer, quand tout est évident. Plus on se répète des références communes, plus on les partage et plus on sera crédible quand tout n’ira pas normalement.

5 La réciprocité : comment s’engager si ce n’est pas « donnant/donnant » ? Les études montrent que la variable corrélée au niveau de l’engagement est la qualité perçue des relations humaines. Le besoin de relations au travail est essentiel. Les RH ont un rôle très important, les managers de proximité aussi, soutenus par les RH.

6. L’appropriation : allouer des tâches à des personnes afin que cela les stimule. C’est important de savoir faire les bonnes allocations.

Les DRH endossent 3 rôles. Ce sont :

1. Des interprètes et non pas traducteurs. L’interprète est celui qui a composé les sous-titres, qui a su retrouver l’intention de l’auteur. Les RH sont ceux qui répètent encore et toujours.

2. Des bricoleurs  : bricoler, c’est tricher au sens où la réalité ne correspond pas à ce que l’on a prévu. Il faut bidouiller, ajuster et inventer malgré tout l’appareillage (process, normes) qui ne permet pas de tenir compte des complexités. Bricoler doit être entendu au sens positif.

3. Des régulateurs d’émotions : l’incertitude actuelle génère de la crainte, de la peur. On aimerait bien que les RH ne soient pas autant émotionnelles ! Lors de la rédaction de l’un de ses ouvrages, Maurice THEVENET a rencontré des DRH et leur a demandé ce qui a été le plus douloureux de leur carrière. Il a été impressionné par le fait que cela a été d’organiser un déménagement. Que de l’émotion cela suscite !

Interventions & questions à Maurice THEVENET

Se définit-on par le travail plus qu’avant ? On est dans une société qui donne de plus en plus d’importance à l’individu. Une recherche a été menée il y a plus de 50 ans pour caractériser les cultures nationales. Certaines sociétés étaient plus individualistes, d’autres plus collectivistes. De nouvelles recherches quelques décennies plus tard indiquent que toutes ont évolué vers plus d’individualisme. On va dans ce sens. Un philosophe italien indique que les sociétés ne seraient plus individualistes, elles seraient singularistes. Etre individualiste, « c’est : il y a moi et les autres, moi je suis à part des autres ». Etre singulariste se traduit comme : « il y a moi et il y a les autres mais j’aimerais bien que les autres me reconnaissent ». L’ensemble de la société est comme cela, les RH sont pris dedans.Les personnes vivent dans la société comme dans le travail et attendent de leur employeur qu’il les reconnaisse. Les RH font avec la société mais le travail doit être fait. Que pensez-vous de la tendance croissante du RH bashing ? Cela a toujours été très élevé. Objectivement c’est une fonction difficile car tout le monde a l’impression de tout savoir. 3 conseils : travailler sur ses propres émotions, prendre de la distance et s’imposer !